Le contentieux relatif à la reprise des actes conclus pour le compte d’une société en formation est récurrent. Si la Cour de cassation avait admis, en 2023 (Cass, com du 29 novembre 2023, n°22-12.865), que l’appréciation de cette reprise pouvait tenir compte de circonstances comme la commune intention des parties de ne pas conclure l’acte au nom de la société en formation, l’arrêt du 18 juin 2025 marque un infléchissement vers une exigence plus stricte.
Dans cette affaire, une société a été placée en redressement judiciaire en 2019 avant qu’un particulier ne vienne déclarer, au passif de cette dernière, une créance de 700 000 euros (un prêt de 500 000 euros faisant l’objet d’une reconnaissance de dette, et un versement de 200 000 euros effectué dans le cadre d’un projet immobilier). Un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté en 2020, et une société tierce a été désignée en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Contestant cette créance, la société a saisi le juge-commissaire qui a constaté, en 2021, l’existence d’une contestation sérieuse. Le créancier a alors été invité à saisir la juridiction compétente pour faire fixer sa créance.
Selon lui, la reprise d’un engagement contracté par une personne agissant pour le compte d’une société en formation pouvait résulter de l’accord ou de la volonté des parties de substituer la société à la personne initialement engagée. Il estime que cette reprise aurait pu être déduite de la volonté commune des parties de substituer la société à la personne physique. Cette substitution suffisait, selon lui, à caractériser une reprise.
Or, la Cour d’appel avait considéré que le contrat de réservation, tout comme la reconnaissance de dette, désignaient exclusivement l’interlocuteur du créancier en qualité de gérant ou associé, sans faire référence à une quelconque reprise par la société ultérieurement immatriculée. Elle en a alors déduit qu’aucune des conditions légales permettant la reprise d’un engagement pour le compte d’une société en formation n’était remplie. C’est dans ce contexte que les juges du fond ont alors écarté toute reprise implicite par la société.
La Cour de cassation rejoint la Cour d’appel en rappelant, de manière ferme, que la reprise des actes conclus pendant la phase de formation d’une société ne peut résulter du seul accord des parties, même établi. Elle doit impérativement respecter les formes prévues par les textes législatifs et réglementaires, à savoir les articles 1843 du Code civil et 6 du décret du 3 juillet 1978.
Autrement dit, la volonté des parties ne saurait suppléer l’absence de formalisation de la reprise.
La position adoptée consacre ainsi un durcissement par rapport à la solution de novembre 2023, en refusant toute flexibilité lorsqu’aucune reprise régulière n’a été opérée. L’arrêt se montre, en effet, rigoureux sur le sort des engagements pris pour le compte d’une société en formation : en l’absence de reprise formalisée, ils restent strictement personnels à celui qui les a souscrits.
Référence de l’arrêt : Cass, com du 18 juin 2025, n°24-14.311