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Rétractation à la promesse de vente : le courrier électronique présente-t-il des garanties équivalentes à la lettre recommandée ?

En matière d’exercice du droit de rétractation d’une promesse de vente, l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, offre la possibilité pour l’acquéreur non professionnel de pouvoir se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte. Le deuxième alinéa de cette disposition précise initialement la forme sous laquelle la notification de la promesse de vente doit être communiquée, soit : « notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise », et indique que la faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.

En principe, seule la lettre recommandée électronique (article L 100 du Code des postes et des communications électroniques), sinon une notification par acte d’huissier, semblent offrir des garanties équivalentes à la lettre recommandée classique, et toute autre forme d’envoi ne permet par d’exercer valablement le droit de rétractation. 

Mais la Cour de cassation a déjà admis d’autres formes d’exercice de ce droit, notamment par voie de conclusions dans l’instance l’opposant le promettant au vendeur, lorsque la notification de la promesse était irrégulière et que le délai de rétractation n’avait pas couru (Cass. civ 3ème  25/05/2011 n° 10-14.641). 

La purge du délai de rétraction est un des délais les plus importants au cours d’une opération immobilière. Si l’acquéreur se rétracte dans le délai, l’avant-contrat est anéanti et il récupère son dépôt de garantie (pour la signature d’un compromis) ou son indemnité d’immobilisation (lors d’une promesse de vente). 

Une ouverture tardive du délai de rétractation ou un défaut de notification régulière peut donc être délicat.

Par une décision du 2 février dernier, la Cour de cassation tranche définitivement la question relative à l’exercice du droit de rétractation de l’acheteur, via l’envoi d’un courrier électronique, invitant les juges du fond à opérer en une recherche au cas par cas, concernant la présence de garanties équivalentes de ce procédé de communication, par rapport à l’envoi d’un courrier traditionnel pris en la forme d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Arrêt qui semble implicitement consacrer la validité du témoignage réalisé par un notaire. 

Dans l’espèce, une promesse de vente est signée entre deux non professionnels de l’immobilier. Les acquéreurs sont un couple.

Le couple reçoit l’acte par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et exerce son droit de rétractation le dixième jour suivant cette notification, par courrier électronique adressé au notaire chargé de la vente, et dont le formalisme de cette annonce va constituer l’objet du litige. 

Cette demande est confirmée par les acquéreurs, par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, datée du jour du courriel et envoyée le lendemain, soit le onzième jour à compter de la notification de la promesse, par laquelle ils demandent également la restitution de la somme séquestrée, mais le vendeur les assigne en paiement de l’indemnité d’immobilisation.

La Cour d’appel saisie du litige fera droit à la demande du vendeur, estimant que le courriel ne permettait pas d’identifier l’expéditeur, le destinataire ni d’attester de la date de réception, mais son analyse sera sanctionnée par la Cour de cassation qui au visa de l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation, rend une décision qui mérite d’être reproduite : 

« En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’envoi d’un tel document au notaire mandaté par le vendeur pour recevoir l’éventuelle notification de la rétractation, lequel a attesté en justice avoir reçu le courriel litigieux le 9 mai 2017 à 18 heures 25, n’avait pas présenté des garanties équivalentes à celles d’une notification par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». 

En effet, même si comme l’avait retenu la Cour d’appel, conformément au décret n°2018-347 du 9 mai 2018 relatif à la lettre recommandée électronique, le courriel envoyé au notaire ne remplissait pas les conditions requises pour constituer une lettre recommandée électronique, pour que ce dernier puisse valoir faculté de rétractation des acquéreurs, une recherche doit être effectuée quant à savoir s’il offre des garanties équivalentes à la lettre recommandée avec demande d’avis de réception. 

Invitant les juges à réaliser une analyse in concreto de la situation relative à l’envoi de la demande de rétractation, la troisième chambre civile retient pour illustrer ses propos, qu’en l’espèce, le notaire mandaté par le vendeur avait attesté en justice avoir reçu le courriel litigieux dans le délai accordé aux vendeurs pour exercer leur droit de rétractation. Or, en sa qualité d’officier ministériel, le témoignage du notaire pouvait difficilement être remis en cause. 

À la lumière de cette décision, le droit de rétractation offert à l’acquéreur dans le cadre de la signature d’un avant-contrat peut finalement être effectué par tous moyens, si ce n’est que la condition attachée au fait de pouvoir identifier l’expéditeur, doit impérativement être remplie. 

Référence de l’arrêt : Cass. civ 3ème 2 février 2022 n°20-23.468